lundi 30 novembre 2009

La montagne a son Nobel: le prix Yannick Guérillous !

L'immense Yannick Guérillous en habit de lumière dans l'hostile caillante de Seynes en décembre 2008. Sous cet air faussement sérieux se cache le gardien du temple de cette nouvelle et prestigieuse récompense alpine. Si son physique vous semble ne pas tout à fait correspondre à la personne que vous connaissez, lisez la suite, tout s'explique... (c) jouydesign.com 2009


Il y a bien longtemps que je n'avais pas signé un portrait dans la plus pure veine Lansb Mag. Ces derniers temps, la plume, enfin le clavier, avait été délaissé pour faire place à des créations plus visuelles. Pourtant, il faut bien reconnaître qu'au fil des ans, ils furent quelques uns à être (dés)honorés d'une bafouille sur ce "moriblog": Nat, Cat, le BLMS, Viguen, Foué, Mamat, les "Saigneurs" des 4S, etc... et même le "Dutch Debil", l'homme à l'inextricable identité, David Zijkvp. (Les amateurs avertis de sport auto auront reconnu un hilarant jeu de mots avec le "Dutch Devil", surnom de Jos Verstappen, pilote F1 Néerlandais des années 90... allez, on enchaîne)

Bref, il y a bien longtemps, comme je le disais avant d'être interrompu par un relent d'humour périmé, que je n'ai pas dressé le portrait d'un être qui, comme presque toujours dans ces colonnes, m'est cher, et qui, comme presque toujours dans ces colonnes, ne fait pas les choses comme tout le monde. De plus, pour cet homme, c'est je le cite "un honneur de se voir consacrer une bafouille sur Lansb Mag". Et cela, c'est comme presque toujours dans ces colonnes, un fait très rare !

Une autre réflexion personnelle a scellé l'intronisation de Yannick dans cet univers "connirique" que ne renierait pas un Terry Gilliam ou un Tim Burton: l'absence d'un prix Nobel pour les activités verticales. Certes, me rétorqueront mes plus féroces détracteurs, le "Piolet d'Or" fait office de juge de paix (très controversé néanmoins) en la matière... Mais tout cela manque de fun.

Le plus important n'est pas forcément de croiter, mais de se battre comme un chien, clamait le Baron Pierre de Chambertin après un vingtième essai dans "La fissure à Totord". Et c'est pourquoi nous lançons aujourd'hui, le "prix Yannick Guérillous", dont l'intitulé est la contraction astucieuse de "Guérillot" et "genious", terme en dehors de toute langue vivante mais ô combien vivant dans la capitale des Alpes ces temps-ci ! La candidature à cette haute distinction sera accessible à tous ceux qui, comme Yannick dans ses grandes années, tentent des trucs de "genious", les réussissant (c'est bien), ou pas (c'est mieux !).

Yannick est un être à part dans le petit monde cosmopolite "du plateau". Après une enfance passée à dévaler les pentes Chamroussienne lattes de descente aux pieds, il va monter très haut dans l'univers du ski alpin de compétition. Membre de l'équipe de France, son amour de l'engagement et son goût de la prise de risque vont l'emmener sur des épreuves aussi variées que les Coupes d'Europe ou le Derby de la Meije ! Un derby qu'il manque d'ailleurs de remporter dès sa première tentative, en "passant par là" par hasard, et après un repérage réduit à un "flashage" depuis la benne ! L'année suivante, il s'y montre intraitable, avant de s'offrir une épique gamelle à haute vitesse un an plus tard, où il sera évacué par les secours (non sans avoir terminé la course sur un ski après son incroyable caramel dans les bosses avant de s'effondrer et d'être transporté à l'hosto !).

Exit le ski de haut niveau, Yannick se recentre sur ses autres passions: la montagne, et surtout l'escalade. Bien vite surdiplômé (Guide, BE grimpe, BE ski), il se lance des défis à sa (dé)mesure, s'adjugeant des couennes jusqu'à 8b malgré un physique qui n'a rien de celui d'une ballerine. On pourrait dire que l'ogre saint-Hilairois mange un Dave Graham au petit déjeuner ! Dotée d'une bonne tenue de règlettes mais surtout d'une puissance infinie dans des cuisses surdimensionnées, il se trouve des affinités pour les voies tout juste verticales où les poussées de pied sur fientes sont primordiales. Aussi heureux sur une symphonie Céüsienne en rocher majeur que sur un improbable cairn préalpin improtégeable de 10 longueurs, la passion du Yannick ne semble pas avoir de frontières.

"La Guérille" vit désormais en Chartreuse, et il ressemble finalement assez bien à ce massif, sorte d'île isolée des préalpes. Figure emblématique du plateau des Petites Roches, cette encyclopédie vivante débordant d'anecdotes alpines pousse le mimétisme avec ses montagnes d'adoption jusqu'à isoler, sur son crâne que presque quatre décennies ont déjà fortement dégarni, une houpette fluette de cheveux chatains. Quelques bouclettes revêches et solitaires comme sorties inexplicablement d'une terre devenue bien stérile au fil des années... Un signe physique de ralliement que Luca, autre phénomène local, d'origine transalpine lui, n'a pas hésité à adopter à son tour. Il se chuchotte même que d'ici quelques années, le L Suprême soi-même pourra adhérer à ce club sélect et tendance, traînant inexorablement dans son sillage apoplécique une autre vedette nord-Chartrousine, l'excellent Manu Tessanne...

L'hiver, le Guérillous se transforme en entraîneur, animateur voire Gourou du ski club Dent de Crolles. Cette éternelle bourrique n'est jamais avare en bons conseils une fois ses barres à mine double-métriques vissées aux pompes racing Atomic des heures de sa gloire, des coques hyper-rigides qui feraient passer des Anasazi 3 pointures trop petites pour d'accueillantes charentaises...

Avec Yannick, l'échauffement c'est "jamais plus qu'à fond", et dans les grandes courbes engagées sur les bosses gelées de Marcieu, alors que le terrien moyen angle la peur au ventre, il préconise toujours "d'attaquer pour ne pas subir", la meilleure façon selon lui de ne pas se faire trop mal si les lois de la physique élémentaire décident finalement de vous ramener à la raison, c'est à dire avec une grande célérité contre un pin...

Homme exécrant les compromis, il n'hésitera pas à refiler une brave paire de GS12 World Cup avec les fixes métal Racing bloquées à 18 pour un skieur débutant le piquet, à la condition que ce dernier ait une motivation (et si possible un physique) à toute épreuve ! Reste que la rusticité et l'abnégation de Yann donnent des résultats incontestables: les nains du club sont ravis et la plupart enterrent (ou enneigent ?) leurs adversaires de classe d'âge à chaque course...

Yannick le rebelle, si ouvert à toutes les pratiques montagnardes, en toutes saisons et dans la plupart des conditions, manifeste cependant une fermeture d'esprit doublée d'une aversion profonde pour quelques concepts qui lui sont totalement abscons. L'idée même de mode vestimentaire par exemple lui est insupportable. Confortablement vêtu de son survet bleu "made in place Beauvau", de son blouson ESF turbo-vintage usé jusqu'à la corde probablement racheté à une victime de mine anti-personnelle, d'un sweat shirt vert plus que passé, notre idole est parée pour toute épopée sportive et même sociale. Ben quoi, après tout, Jean-Paul Gaultier aussi est excentrique ! Oui, mais Yannick, lui, est hétérosexuel... Un partout la balle au centre. Notre camarade a d'ailleurs conquis bon nombre de disciples dans son entourage, Mamat, le Jouy, Foué, ainsi que votre humblissime serviteur ne comptent plus les journées passées dans le nid douillet d'un survet' de Kossovar à la coupe aussi élaborée que la pose de pied du Lansb dans "Trou du crux"...

On pourrait croire, au vu (et au lu) de cette interminable diatribe, que notre personnage est en dehors de tout système de valeurs normalisé, tant du point de vue de son mode de vie que, nous l'avons abordé, de sa "tenue vestimentaire". (les connaisseurs apprécieront à leur juste valeur ces guillemets !)

C'est bien mal connaître l'animal qui, combien le savent, cultive une passion aussi secrète que brûlante pour... les moustaches! Bien conscient de l'incongruïté du port de cet artifice décoratif de nos jours, son soin du détail et son désir d'excellence l'ont poussé à intégrer la grande maison Poulaga pour justifier, à terme, la présence d'une barre pileuse entretenue surplombant sa lèvre supérieure. C'est là un véritable scoop Lansb Mag, car même les plus éminents dirigeants de son fan club ont toujours cru que ses efforts en tant que gardien de la paix n'avaient pour but que de faire partie des Secours en Montagne. Comme quoi, les idées préconçues ont la vie dure dans la cuvette !

Solide comme un roc, euh disons même plus que l'Urgonien de son jardin, pratiquement jamais malade, occasionnellement sujet à de l'urticaire lorsqu'il croise une plaquette de 12 flambant neuve au milieu des pitons historiques et des touffes d'herbe jaunies d'une ligne de caractère presque oubliée, supportant certes mal les températures dépassant les 18°C, il y a fort à parier que ce n'est pas la grippe A qui emportera ce bonhomme haut en couleurs, même si ces couleurs sont parfois délavées.

Ainsi Yannick Guerillous est parti pour être des notres quelques longues décennies encore, de quoi garnir, si besoin était, son impressionnante collection d'anecdotes rocheuses, neigeuses, ou glacées, et surtout, de quoi en régaler les générations futures !